VENDREDI 12 FÉVRIER 2010 à 20H ☞ Trois films d’Abbas Kiarostami
« Expérience »
Titre original : Tadjereh – 1973 – noir & blanc – 1h –VOSTF – 35 mm
Entre enfance et adolescence, Mahmad est employé comme garçon à tout faire chez un photographe de Téhéran. Chaque jour, il se rend de la banlieue populaire, où il réside chez son frère, au centre-ville, en passant par un quartier résidentiel et chic. Il croise ainsi régulièrement une jeune lycéenne en uniforme, visiblement de bonne famille, qui sort de chez elle. Elle lui sourit mais se moque un peu aussi, avec ses amies, de son allure dépenaillée. Il rêve de la connaître. En contrepartie de son travail, il peut dormir dans la boutique la nuit. Cela donne lieu à de purs moments de poésie où le jeune adolescent s’évade de la dureté du monde des adultes en revêtant le costume de son employeur, la pipe à la main, le regard tourné vers le ciel étoilé, entouré de dizaine de visages de papiers glacés mornes et mutiques.
« La récréation »
Titre original : Zangu-e tafrih – 1972 – noir & blanc – 11 min – sans paroles – 35 mm
Un écolier est puni pour avoir brisé une vitre avec son ballon. Sur le chemin du retour, il est arrêté par un match de foot qui lui bloque le passage…
« Le pain et la rue »
Titre original : Nàn va koutcheh – 1970 – noir & blanc – 11 min – sans paroles – 35 mm
Un petit garçon doit ramener le pain à la maison. Mais comment faire pour passer devant un gros chien qui lui barre la rue et qui lui fait peur ?
Le pain et la rue est le premier film d’Abbas Kiarostami, réalisé dans le cadre de l’Institut pour le développement intellectuel de Téhéran dont il était alors directeur du département cinéma.
« Le héros est confronté à l’indifférence des adultes qui passent à côté de lui sans se soucier de son problème. Il va devoir se débrouiller seul et ainsi vaincre sa peur. On retrouvera ce thème dans de nombreux films d’Abbas Kiarostami comme dans Où est la maison de mon ami ? ouDevoirs du soir… (…) Abbas Kiarostami y définit sa méthode de travail : filmer dans des décors naturels, avec des acteurs non professionnels, filmer la vie quotidienne et simple de gens ordinaires, réaliser des films éducatifs mais non didactiques. La récréation, le deuxième film d’Abbas Kiarostami, semble ne pas raconter d’histoire. Pourtant on y décèle déjà un thème cher à Abbas Kiarostami : l’éducation. Le film s’ouvre sur un lieu, l’école, lieu d’éducation mais aussi lieu de punition. L’instituteur, pour éduquer son élève, le punit et le renvoie hors de la classe. Pourtant l’enfant ne rentre pas chez lui, mais erre dans la ville. Il a en effet peur d’une autre punition, celle de ses parents. (…) Dans Expérience, Abbas Kiarostami dessine la vie monotone et ennuyeuse d’un adolescent, le passage douloureux à l’âge adulte. A l’intérieur de ce jeune adolescent bouillonne une multitude de sentiments. Comme dans les deux films précédents, le héros est seul, isolé, abandonné à lui-même. Il se trouve au milieu des photos accrochées dans l’atelier, parmi des visages humains sans âme et sans voix. Apparaît ici le thème de la solitude urbaine. Abbas Kiarostami est un observateur du quotidien et de la poésie qui s’en dégage. »
– Mamad Haghighat (www.abc-lefrance.com)
Extrait d’une interview réalisée par Hors Champ (Shahin Parhami) en 2000
H.C. : Peut-on dire que votre premier film, Le pain et la rue (1970), résume votre approche technique et esthétique du cinéma ? Et le scénario de ce court métrage, qui fut écrit par votre frère, à quel point a-t-il contribué à la structure du film ?
A.K. : Oui, l’auteur en était mon frère (j’utilise le passé parce qu’il vit maintenant en Amérique du Nord !). Pendant que je travaillais pour l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes, à la fin des années 1960, j’ai lu de nombreux scénarios, mais c’est celui-ci qui a attiré mon attention. C’est surtout l’unité de temps qui m’attirait. Il illustrait une histoire qui se déroulait en 12 minutes, il n’y avait donc pas besoin de déconstruire le temps. Je savais que déconstruire le temps pour en montrer le passage soumet les cinéastes à des clichés et des conventions. C’était donc un défi intéressant pour moi que d’amener le temps cinématographique et le vrai temps aussi près l’un de l’autre que possible, sans utiliser ces conventions. Le pain et la rue fut ma première expérience au cinéma et, je dois le dire, elle fut très difficile. J’ai dû travailler avec un enfant très jeune, un chien et une équipe non professionnelle, sauf pour le directeur de la photographie qui n’arrêtait pas de se fâcher et de critiquer. Et, dans un sens, il avait raison parce que je ne suivais pas les conventions du cinéma avec lesquelles il était familier. Il insistait pour découper les scènes. Par exemple, un plan éloigné de l’enfant approchant, un gros plan de la main de l’enfant et puis, quand l’enfant entre dans la maison et ferme la porte, un plan du chien qui va se coucher sur le pallier, etc. Mais je croyais que si on pouvait les avoir tous les deux (l’enfant et le chien) dans un seul plan, avançant dans le cadre, l’enfant entrant dans la maison et le chien décidant de dormir à la porte, l’impact serait plus profond. Je crois que c’est le plan séquence le plus difficile que j’ai jamais tourné de ma vie. Pour ce plan-là, nous avons dû attendre 40 jours et changer de chien trois fois, l’un deux ayant même la rage. Malgré tous les problèmes auxquels nous avons fait face, ça c’est finalement passé, ça a cliqué. En un sens, ce film est le résultat de mon manque de connaissance des conventions cinématographiques. Maintenant, quand j’y pense, j’en conclus que j’ai pris la bonne décision. Je crois que découper une scène – même si cela peut contribuer au rythme du film – peut facilement heurter la réalité et le contenu du film.
http://www.horschamp.qc.ca/ABBAS-KIAROSTAMI.html
biographie et filmographie
http://www.cineclubdecaen.com/realisat/kiarostami/kiarostami.htm
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles