JEUDI 22 AVRIL 2010 à 19H30 ☞ Artavazd Pelechian, cinéaste et poète du réel
« Quoique pouvant être vus indépendamment les uns des autres, les trois « films de montage », Nous (1969), Les Saisons (1972) et Notre siècle (1982) constituent un triptyque qui brasse le local comme l’universel, l’éphémère comme l’atemporel, la persistance comme la contemporanéité.
Finalement, plus que de les résumer, une façon de décrire les films de Pelechian serait de dire qu’ils explorent la perturbation et l’harmonie, le passage de l’un à l’autre et l’équilibre instable qui naît de leur confrontation. Films en forme de flux visuels qui se mesurent aux flux de l’homme pris dans les mouvements de la foule, dans le mouvement de l’Histoire, dans le cycle de la nature ou dans l’espoir des « bonds en avant » du progrès technique. »
Joachim Lepastier
« NOUS » (MENK)
1969 – 25 min
Un montage alternant images préexistantes et fabriquées, qui composent une lyrique inquiète, d’un humanisme vibrant, où les regards succèdent aux visages, où le peuple arménien semble résister à toutes les blessures, à toutes les épreuves dont le quotidien rappelle symboliquement la teneur : dramatique avec un enterrement, comique et tragique à la fois, lorsque le conducteur d’un triporteur disparaît dans les gaz d’échappement du véhicule qui le précède, bouleversante lors de la séquence des retrouvailles, où hommes et femmes s’embrassent, s’enlacent, jusqu’au vertige. Sous le regard d’un visage d’enfant, visage primitif, visage douloureux dont la répétition souligne une volonté farouche de partage, de reconnaissance, et de paix universelle.ard d’un visage d’enfant, visage primitif, visage douloureux dont la répétition souligne une volonté farouche de partage, de reconnaissance, et de paix universelle.
Le montage à contrepoint
« C’est lors de mon travail sur le film NOUS que j’ai acquis la certitude que mon intérêt était attiré ailleurs, que l’essence même et l’accent principal du montage résidait pour moi moins dans l’assemblage des scènes que dans la possibilité de les disjoindre, non dans leur juxtaposition mais dans leur séparation. Il m’apparut clairement que ce qui m’intéressait avant tout ce n’était pas de réunir deux éléments de montage, mais bien plutôt de les séparer en insérant entre eux un troisième, cinquième, voire dixième élément. En présence de deux plans importants, porteurs de sens, je m’efforce non pas de les rapprocher, ni de les confronter, mais plutôt de créer une distance entre eux. Ce n’est pas par la juxtaposition de deux plans mais bien par leur interaction par l’intermédiaire de nombreux maillons que je parviens à exprimer l’idée de façon optimale. L’expression du sens acquiert alors une portée bien plus forte et plus profonde que par collage direct. L’expressivité devient alors plus intense et la capacité informative du film prend des proportions colossales. C’est ce type de montage que je nomme montage à contrepoint. » Artavazd Pelechian
Artavazd Pelechian
« LES SAISONS » (TARVA YEGHANAKNERE)
1972 – 29 min
Glissades à flanc de montagne sur des traîneaux de paille, brebis égarées dans un torrent bouillonnant, Pelechian et sa caméra se laissent emporter par une ronde de la vie menée par les bergers arméniens. Moissons, transhumances, les saisons se suivent, prolongeant les rites de ces éleveurs dans un éternel recommencement.
« Peut-être l’un des plus beaux films du cinéaste, c’est en tout cas celui qui lui assure aujourd’hui une reconnaissance internationale. Les Saisons est un très beau poème où sont évoqués, en une vaste parabole, les moments déterminants de l’histoire arménienne, depuis les origines volcaniques, jusqu’à la période industrielle. Mais au-delà de cette symbolique où l’on peut lire aussi l’histoire des migrations du peuple arménien, demeurent des séquences étonnantes et inoubliables : l’inertie lente et aventureuse d’une transhumance, des corps en apesanteur, comme passant, infiniment, par-dessus les terres, ou par-dessus les flots, méprisant tous les ancrages, une vision ludique, apaisée, de la moisson et de la fenaison, et ce rythme, surtout, ce rythme qui nourrit l’émotion, sans discours et sans commentaire, et qui fait de toute épreuve le témoignage d’un humanisme salutaire et sublime. »
Pierre Arbus
« NOTRE SIÈCLE » (NACH VEK)
1982 – 50 mn
Une méditation sur la conquête de l’espace, les mises à feu qui ne vont nulle part, le rêve d’Icare encapsulé par les Russes et les Américains, le visage des cosmonautes déformés par l’accélération, la catastrophe imminente… Pelechian procède à la mise en orbite d’un corps désorienté, pris dans la turbulence de la matière. Là, il n’y a plus rien d’humain, ce n’est plus l’homme dans le cosmos, mais le cosmos dans l’homme.
« Longue méditation sur la conquête de l’espace, les mises à feu qui ne vont nulle part, le rêve d’Icare encapsulé par les Russes et les Américains, le visage défait par l’apesanteur des cosmonautes accélérés, la catastrophe qui n’en finit pas de venir. »
Serge Daney, Libération, 11 août 1983
Plusieurs sites proposent des analyses et critiques
Le site d’Artavazd Pelechian édité par Cadrage- biographie et filmographie
Présentation de Artavazd Pelechian et de son cinéma par Serge Avedikian
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles