JEUDI 11 OCTOBRE 2012 à 20 h
Bande à part,
de Jean-Luc Godard
France – 1964 – 1 h 37′
D’après le roman « Fool’s Gold » de Dolores Hichens.
Avec : Anna Karina (Odile), Claude Brasseur (Arthur), Sami Frey (Frantz), Jean-Luc Godard (Le narrateur)
Franz et Arthur projettent de réaliser un hold-up dans une villa isolée, près de Joinville, sur les bords de la Marne. Il leur faut pour cela obtenir la complicité d’une étudiante adolescente qui habite cette villa en compagnie d’une dame excentrique. Le moyen le plus simple est de la séduire ; Arthur y parvient. Odile révèle aux deux comparses que le coffre-fort de la villa contient de nombreux billets de banque. Le trio dresse ses plans au cours d’une réunion de « bistrot ». Une première tentative ne donne aucun résultat. Le lendemain les cambrioleurs reviennent, tombent sur la dame qu’ils bâillonnent et enferment dans un placard, mais ne trouvent qu’une infime partie du « trésor » ; ils délivrent la dame qui ne donne plus signe de vie. Furieux, Arthur maltraite Odile ; laquelle se rapproche de Franz. Ils repartent en voiture, bredouille. Arthur descend presqu’aussitôt ; Franz a une intuition et fait demi-tour. Quand ils pénètrent dans le parc, ils aperçoivent Arthur, tenant le magot, et, s’entretuant avec son oncle, truand ayant eu vent de l’affaire. Au même instant, apparaît sur le perron la vieille dame à la rencontre de son fîls qui arrive et qui récupère l’argent. Odile et Franz, très émus et désormais liés l’un à l’autre, décident de refaire leur vie en Amérique du Sud.
Extrait : séquence du madison
Après Le mépris tourné en couleur et en Scope avec des vedettes sur le sol italien, Bande à part, série B, en noir et blanc, tourné avec des proches dans le Paris habituel, fait pâle figure. Et pourtant, ce film tout à la fois léger grave et mélancolique laisse une durable impression qui n’est pas étrangère à son processus de fabrication.
Anna Karina qui tournait de son côté pendant que Godard réalisait Le mépris a fait, juste après, deux tentatives de suicide. Godard pour retrouver sa femme veut lui offrir un film qu’il lui annonce, dit-on, dans la voiture qui les ramène chez eux après les séjours en hôpital psychiatrique endurés par l’actrice durant plusieurs semaines. Godard est allé vite. Il va voir la Columbia France à l’automne 63 et obtient 100 000 dollars pour son premier film français à être produit par les américains. Le producteur croyait que Godard demandait cette somme pour son seul salaire et est évidemment enchanté de les débourser pour l’ensemble de la production. Godard adapte une série noire recommandée par Truffaut, Fool’s Gold de Dolores Hichens traduit par Pigeon vole. Dans ce roman noir, deux amis séduisent une jolie fille, dont ils sont un peu amoureux, pour accéder à une femme riche
Lorsque le tournage commence à la mi-février pour un mois, Godard a un scénario de trente pages mais les dialogues ne sont pas écrits, et le titre est passé de Les mimis à Franz, Arthur et Odile avant de s’arrêter à Bande à part aux premiers tours de manivelles. Samy Frey, alors petit ami de Brigitte Bardot est un élégant acteur de théâtre avec qui Godard est immédiatement complice. Il découvre Claude Brasseur, comédien moins brillant.
Godard a peur de faire trop court donc il prend tout ce qui vient. Ainsi la traversée de la grande galerie du Louvre est improvisée par Godard au dernier moment et ne figure pas dans le scenario. Godard a demandé l’autorisation de Malraux (qui a blanchi toutes les façades du Paris anciennement noirâtre) mais pas aux autorités du Louvre.. La séquence s’annonce comme un défi : « Franz avait lu dans France-soir qu’un Américain avait mis 9’45 » pour visiter le musée du Louvre. Trois plans plus tard (acteurs saisis de face, panoramique et acteurs saisis de dos), il peut annoncer : « En 9’43 », Arthur, Odile et Franz avaient battu le record établi par Jimmy Johnson de San Francisco »
En revanche la séquence du Madison est longuement préparée et répétée… et repoussée. Godard trouve en effet que les acteurs ne dansent pas suffisamment bien. Et il faudra attendre la toute fin du tournage pour que la séquence soit enfin jugée bonne par Godard. Dans le café populaire où elle est enregistrée, l’équipe applaudira Godard prenant le relais des acteurs pour danser en couple avec Anna Karina.
Le couple semble ainsi retrouvé mais Godard, comme à son habitude, a mis au profit du film l’intense mélancolie d’Anna Karina notamment lors de la chanson triste chantée par Odile : « Ce que l’on fait de vous hommes et femmes… » Sans doute fait-il aussi peser sur elle un poids supplémentaire en donnant à son personnage le nom de sa mère : Odile Monot
Le film est un échec commercial attirant moins de 40 000 spectateurs mais il marquera nombre de cinéphiles critiques ou, plus tard réalisateurs, ainsi Quentin Tarantino qui appellera sa société de production Bande Apart d’après le titre du film.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles