VENDREDI 15 FEVRIER 2013 à 20 h ▶ Au nom du fil, de Lionel Monnier
Au nom du fil,
de Lionel Monnier
France – 2012 – 90 minutes
Projection suivie d’un débat avec le réalisateur
Il y a une fontaine, un étang, une abbaye cistercienne fondée en 1206.
Il y a une usine textile créée en 1806, toujours en activité.
Il y a des patrons et des ouvriers, des oiseaux, l’industrie, la Mayenne.
Il y a le travail, une chapelle, des jardins, une école.
Il y a un village : Fontaine Daniel. Un système : le paternalisme.
À l’heure des grandes crises économiques planétaires, le village apparaît comme un petit monde à portée de regard, tendu entre un passé encore vif et des métamorphoses inéluctables.
Un petit monde miroir, un petit monde questions.
En jeu : le travail et son organisation, le groupe et ses fondations, l’individu et la liberté.
Entre un passé encore vif et un avenir incertain, chaque habitant est un témoin de ce qu’il a vécu de bon ou de moins bon dans le village-usine et est à même de livrer sa compréhension d’un paternalisme aux visages multiples : s’il offre la sécurité de l’emploi, les bienfaits d’une vie en communauté, une proximité de tous les acteurs de l’entreprise, il s’accompagne aussi d’une hiérarchie forte, d’un ordre soumis à la loi du marché, d’une forme de servilité des ouvriers soumis aux aléas de la production et aux décisions de la direction. Le village est pris dans le grand projet planétaire et les dirigeants, malgré leurs préoccupations humanistes, ne peuvent résister aux lois qui régissent toute entreprise : productivité, profit, croissance.
L’histoire du village et des rapports qui s’y sont joués habite la mémoire des anciens ouvriers, tandis que la jeune génération de patrons semble davantage tournée vers l’avenir, occupée par des considérations nouvelles telles que l’écologie ou la coopération. Les nouveaux arrivants quant à eux se livrent à des remarques contradictoires sur le charme mais aussi le sentiment d’enfermement que convoque le village.
Le village s’est construit à la croisée d’une conception laborieuse et spirituelle du groupe humain. L’activité industrielle y a supplanté l’artisanat. Un ordre a cédé la place à un autre, apportant à ses habitants confort de vie et sécurité de l’emploi. Une vie communautaire s’y est développée, quasiment autarcique jusque dans les années 1980. Mais, depuis, le village n’échappe pas à la déliquescence du tissu social. De nombreux retraités ont fait l’acquisition de leur logement, de nouveaux arrivants sont venus s’installer au village simplement pour y résider, le village s’est progressivement transformé en « dortoir ». Peu à peu, ici aussi, l’individualisme y a imposé ses droits, des cloisons se sont édifiées, la vie en commun s’est étiolée.
Aujourd’hui, le village n’échappe pas à la menace qui pèse sur nombre de petites communes. Les commerces ont disparu, seuls subsistent un café et une boulangerie. La voiture a autorisé chacun à mener sa vie en toute indépendance et les ouvriers à résider à l’extérieur du village. La majorité des employés de l’entreprise ne vit pas à Fontaine Daniel et le village s’anime au rythme des voitures qui tour à tour emplissent et désemplissent la place, autrefois cour de récréation de l’école qui a fermé, faute d’enfants. Les ouvriers viennent travailler ici comme ils iraient le faire ailleurs sans avoir le sentiment de participer à quelque chose d’exceptionnel même si la plupart reconnaît que l’ambiance y est plutôt détendue. La production de textile s’amenuise d’années en années, les ateliers de tissage ne comptent plus que quelques ouvriers, la teinturerie de l’usine est promise à une fermeture prochaine et l’entreprise tente une reconversion dans la décoration haut de gamme et le négoce.
« Au fil des projets précédents, mon travail n’a cessé de questionner la notion de groupe, de communauté, de ce qui fonde, autorise ou compromet le vivre ensemble, le projet social, ses limites, ses ornières, ses déviances. Ma rencontre avec Fontaine Daniel me fournit de manière évidente une occasion unique de préciser davantage cette problématique. Le village propose en effet un terrain d’observation privilégié. À Fontaine Daniel, on se croise tous les jours, sur la place, au café, dans les jardins, dans la forêt ; tous les acteurs d’un « petit » monde sont ici réunis : patrons, ouvriers, anciens, jeunes arrivants ou visiteurs d’un jour. Tout est à portée de qui veut écouter, à condition d’en prendre le temps.
Chaque film pourrait n’être que l’histoire d’une rencontre, celle d’une écoute particulière et d’un échange unique, temps de la confrontation. Face à la vitesse des bouleversements qui agitent le monde, le cinéma offre ce temps de côté, un temps qui résiste au temps, condition sine qua non à l’émergence de toute pensée. » Lionel Monnier
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles