VENDREDI 14 FEVRIER 2014 à 20 H ▶ Irène, de Alain Cavalier
Irène,
de Alain Cavalier
France – 2009 – 1h 25′
Irène et le cinéaste. Relation forte et en même temps pleine d’ombres. Irène disparaît. Reste un journal intime retrouvé des années après.
Une fraîcheur. Une attirance. Un danger. Comment faire un film ?
Extraits de critiques
« Comment évoquer au cinéma la mort d’un être cher ? Comment rendre visible une présence qui est absence pour tout autre que soi-même ? Des réponses existent, en fiction comme en documentaire. Peu ont la force, la persistance, la profondeur que confère Alain Cavalier à la sienne dans Irène.
En 1972, la femme du cinéaste, Irène, se tue dans un accident de voiture. De cette catastrophe intime, il s’ensuit, dans une oeuvre qui compte alors quelques films à succès, une rupture qui produit l’un des films les plus radicaux de l’histoire du cinéma français : Ce répondeur ne prend pas de message (1978).
Le cinéaste, recouvert, telle une momie, de bandelettes, y fait progressivement disparaître toute possibilité d’image en repeignant son appartement en noir et en y mettant le feu. Cette mortification iconoclaste, ce rageur désespoir laissaient craindre qu’Alain Cavalier, le cinéaste, ne reviendrait plus jamais parmi ses semblables.
Il revint. Mais sous des formes toujours plus épurées et solitaires, non moins qu’aventureuses et originales. Thérèse (1988), l’autre nom de femme de sa filmographie, fut une étape importante.
Irène s’inscrit dans sa dernière manière, dans le sillage esthétique de La Rencontre (1996) et du Filmeur (2004) ; chronique intime du monde où la représentation de la figure humaine, à commencer par celle de l’auteur, ne s’envisage désormais qu’avec crainte et tremblement. Le reste du monde, du caillou à l’oreiller, en passant par les lieux d’aisance et les oiseaux, y reconquiert en revanche une puissance d’évocation et une grâce poétique, en vertu des ressources insoupçonnées que leur découvrent la voix et les mots du cinéaste en train de les filmer.
Ce serait sans doute trop dire qu’Irène, qui revient sur le désastre fondateur de cette conversion esthétique, est aujourd’hui à la lumière ce que le Répondeur fut à la nuit. Du moins le film nomme-t-il explicitement son objet, se confrontant aux gouffres comme aux félicités qu’il recèle. L’affliction, la colère, la haine, la culpabilité, certes. Mais aussi la joie pure, la sensualité, l’amour.
Entre ces feux dévorants, Alain Cavalier construit son film en se posant des questions de cinéma, qui disent à elles seules le mystère de sa propre survie. Se demander comment représenter l’absente, quel corps lui donner dans le film, n’est-ce pas enfin, comme cinéaste, assumer son deuil ? »
« Le principal point de passage entre Irène et Cavalier, entre le passé et aujourd’hui, est le journal que tenait le cinéaste au cours des années 1971 à 1973, et qui sert de fil rouge à ce film. Il y a quelque chose de fascinant dans le geste de consigner ainsi des fragments de sa vie, de les relire des années plus tard, et cette fascination est décuplée quand ledit journal a été tenu par un cinéaste, qu’il apparaît dans un de ses films et qu’il nous connecte à un être disparu, à un dialogue qui s’est poursuivi par-delà la mort. Ce journal d’Alain Cavalier comble aujourd’hui une absence, fait vivre des fantômes – fantôme d’Irène bien sûr, mais aussi fantôme de son jeune “cavalier” des années 70. Plus que jamais, Irène montre que le cinéma est l’art des spectres, à la fois dans son essence et dans les possibilités qu’il offre de faire “revenir” quelqu’un d’entre les morts.
Serge Kaganski – Les Inrocks
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles