VENDREDI 17 AVRIL 2015 à 20 h ▶ Examen d’état, de Dieudo Hamadi
Examen d’état
de Dieudo Hamadi
2014 – France, Congo Kinshasa (RDC), Sénégal – 90 minutes
À Kisangani, en République démocratique du Congo, un groupe de jeunes lycéens s’apprête à passer son examen d’État, l’équivalent du baccalauréat français. La caméra de Dieudo Hamadi le filme tout au long de sa préparation, depuis les bancs de l’école d’où les élèves se font régulièrement chasser parce qu’ils n’ont pas payé la « prime des enseignants », aux « maquis » (maisons communes) où ils se retrouvent pour réviser et dans les rues chaotiques de la ville où ils passent leur temps à « chercher la vie ».
Le Monde – Mathieu Macheret – extrait
» Examen d’Etat est un film indispensable, l’un des plus forts et sidérants de ce début d’année. A cela près qu’il ne passera pas par les salles de cinéma, mais sort directement en DVD, chez l’éditeur Potemkine. Faut-il s’en plaindre ? Oui et non. Non, car le film, remarqué lors de l’édition 2014 du Cinéma du réel, est tout de même rendu disponible, sortant au bout d’un an du seul circuit des festivals où beaucoup restent cantonnés. Oui, car Dieudo Hamadi est, à 31 ans et après deux longs-métrages, un cinéaste de premier ordre, qui nous envoie régulièrement des nouvelles de cette jeune République démocratique du Congo dont il est originaire, où il décrit les soubresauts et les bouffées délirantes d’une démocratisation cahotante.
Son précédent film, Atalaku (2013), suivait un « crieur » engagé par des politiciens pour mener leur campagne. En arrière-fond, c’est tout le ballottement des premières élections démocratiques en 2011, entre bourrage d’urnes et achats de voix, qui débordaient presque sous l’œil de la caméra.
Examen d’Etat raconte un même parcours du combattant, celui des 500 000 lycéens qui passent chaque année cet équivalent congolais du baccalauréat, dont l’obtention revêt pour chacun une importance déterminante. Tourné à Kisangani, le film accompagne un groupe d’élèves à travers leurs derniers mois de préparation et la somme ahurissante d’entraves qu’ils rencontrent, circulant avec une admirable souplesse de l’urgence individuelle à l’improvisation collective. (…)
Excellent cadreur, le cinéaste affiche une capacité bluffante à filmer la collectivité du point de vue le plus juste, celui où on la voit se constituer et agir, houleuse, parfois maladroite, esquissant le profil d’un peuple en formation. Ce point de vue s’inscrit comme un corps parmi les corps, entraîné par leurs trajectoires et leurs altercations, avec la présence d’esprit de celui qui en fait indiscutablement partie. Hamadi met en scène non seulement l’éloignement progressif et l’obsolescence des savoirs, le concours n’étant qu’une comédie d’Etat destinée à masquer la profonde inégalité des chances, mais surtout, à travers cela, un pays qui débat autant qu’il se débat, une société en mouvement. Soit l’autre nom du politique. »
DOSSIER DE PRESSE
Dieudo Hamadi est né à Kisangani (Congo RDC) le 22 février 1984 et a étudié la médecine de 2005 à 2008. Il a ensuite suivi plusieurs ateliers de documentaires et des cours de montage. Dieudo Hamadi est auteur de deux moyens-métrages documentaires DAMES EN ATTENTE et TOLÉRANCE ZÉRO qui ont retenu l’attention de plusieurs festivals en Europe (Paris, Amsterdam) et au Canada (Toronto).DAMES EN ATTENTE a reçu la bourse Pierre et Yolande Perrault au Cinéma du Réel (Paris) en 2009. En 2013, avec ATALAKU, son premier long métrage documentaire qui raconte la campagne électorale de 2011 en République Démocratique du Congo, il remporte le prix JORIS IVENS remis par Marceline Loridan (Cinéma du Réel), celui du meilleur film étranger au San Diego Black Film Festival (USA), le prix du jury au Fidadoc (Agadir, Maroc) et 4 autres récompenses. En 2014, EXAMEN D’ÉTAT reçoit le prix International de la SCAM et le prix Potemkine au Festival Cinéma du Réel.
Comment est né le projet d’Examen d’État ?
L’idée du film est arrivée en me baladant dans la rue, à Kinshasa. Dans mon quartier, il y avait une école et je voyais à la porte d’entrée des élèves qu’on empêchait d’entrer parce qu’ils n’avaient pas d’argent. Et l’idée du film m’est venue. À l’époque, je m’apprêtais à venir en France pour suivre une formation accélérée à la Femis, et j’avais juste décidé de la coucher sur papier pour ne pas l’oublier. Puisque c’était une formation sur le cinéma, on s’intéressait aux gens qui avaient des projets ou des débuts de projets. C’est comme ça que je l’ai fait lire à un de mes professeurs qui m’a mis en contact avec son amie productrice, Marie Balducchi. Et c’est parti comme ça… Quand je veux faire un film, c’est plus une idée qui vient en premier, ensuite ça dépend jusqu’où cela me touche, jusqu’où je suis prêt à le porter. Souvent ça se trouve être des projets qui me sont personnels, auxquels je suis sensible. Ensuite je décide d’écrire ; mais ça vient plus tard et c’est plus un travail vis-à-vis du producteur. On trouve que le projet est intéressant mais on demande de le mettre sur papier, et à ce moment-là, je me mets à écrire. L’écriture est plus une contrainte pour moi parce que tout de suite, je sais ce que je veux faire. Quand vous voyez des enfants qui ne peuvent pas rentrer à l’école, dans votre rue, c’est une image. Quelle est l’idée qui vous motive à en faire un film ? Par rapport à ce genre d’image, chaque jour on pourrait faire un film au Congo. Parce qu’il y a toujours des situations et des scènes qui peuvent faire des sujets. Je vais plus loin parce que le documentaire ne m’empêche pas d’être ambitieux, de vouloir faire des films viables cinématographiquement. Je combine un sujet qui me touche, un sujet social, avec cette rigueur ou cette envie d’en faire un film de cinéma. Après, on se pose la question de savoir comment le faire, comment le rendre universel pour que ce soit un film qui parle à beaucoup de gens, comment le porter artistiquement. Ça réduit un peu le champ des sujets.
Qu’abordez-vous dans Examen d’État ?
Je montre des jeunes de ma ville, Kisangani, qui vont passer l’équivalent du Bac en France. Le Bac au Congo, s’appelle Examen d’État. La situation qui m’a semblé assez touchante, c’est que ces étudiants pendant toute l’année ou presque, n’avaient pas de professeurs. Les rares professeurs qui venaient pour enseigner s’assuraient qu’ils avaient payé ce qu’on appelle des primes pour l’enseignement, et comme ce sont des jeunes qui n’ont pas de parents riches, qui vivent au jour le jour, ils se faisaient tout le temps renvoyer, au fil de l’année scolaire. Comme ils sont en terminale, ils doivent passer l’Examen d’État. Ils n’envisagent pas d’échouer bien évidemment, alors ils s’organisent. Le film raconte comment ils s’organisent en dehors de l’école pour passer l’examen. Ils n’ont pas le soutien de leurs parents qui n’ont pas assez de moyens pour les aider à l’école. Ils n’ont pas le soutien de leurs enseignants parce que eux aussi, ils ont besoin de survivre et donc ils sont très durs avec eux. Du coup, ils décident par eux-mêmes de passer le Bac, avec leurs moyens
Vous les avez accompagnés pendant cette préparation ?
J’ai été avec eux pendant quatre mois. D’abord j’ai voulu rendre compte de ce qui se passait à l’école, mieux expliquer pourquoi ils vont la quitter pour aller se débrouiller ailleurs, ensuite je les ai suivis pendant la période de préparation où ils essaient de trouver des solutions afin de passer l’examen. Puis j’ai attendu que les résultats soient tombés pour voir si cela a fonctionné ou pas. Croyez-vous que les Congolais soient prêts à partager cet effroi qui est le vôtre, quand vous regardez le système de l’éducation ? Au Congo même, les gens se posent cette question. En tous cas, j’espère que le film va servir à le montrer, d’une certaine manière. Ce qu’il y a de bien avec le cinéma, c’est qu’il amplifie certaines choses et ça donne un cadre pour discuter. On sait qu’il y a des problèmes au niveau du système éducatif au Congo, on sait qu’il y a des choses qui ne marchent pas. Moi, j’offre juste à voir ces problèmes, de l’intérieur ou de manière assez particulière. Je ne doute pas un seul instant qu’en voyant ce film, les Congolais vont se rendre compte. Je ne suis pas sûr qu’ils vont découvrir des choses mais en tous cas, j’espère que ça va donner lieu à des débats. C’est important qu’on discute sur ce qu’on veut faire de l’avenir de ce pays, de la jeunesse de ce pays. C’est le but pour moi.
Propos recueillis par Michel AMARGER (Africiné / Paris)
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles