MERCREDI 27 MAI 2015 à 20 h ▶ Rivers and tides, Andy Goldsworthy et l’œuvre du temps
Rivers and tides, Andy Golsworthy et l’œuvre du temps
de Thomas Riedelsheimer
Allemagne, Finlande, Royaume-Uni, Canada – 2004
L’œuvre d’Andy Goldsworthy est par essence éphémère : elle naît de la nature et meurt avec elle. Tout en sculptant, en travaillant le bois, la glace ou la pierre, devant la caméra de Thomas Riedelsheimer, Andy Goldsworthy explique son travail. Ses commentaires donnent force aux images et participent à la leçon de vie qui émane de ce documentaire. Une véritable collaboration se fait sentir entre le sculpteur et le cameraman. Il s’agit presque d’un travail commun en vue de communier avec la Nature.
Tous les matériaux provenant de la terre (feuilles, brindilles, morceaux de glace, pierres…) sont propices à stimuler l’esprit créatif du sculpteur. Si la nature n’a pas besoin du sculpteur, lui a besoin d’elle. Ses créations s’intègrent si totalement dans le paysage en épousant les formes naturelles, que le documentaire soulève la question : Qui de l’homme ou de la Nature crée ? Il n’en demeure pas moins que c’est une œuvre triple que présente ce documentaire. Les images immortalisent l’œuvre du sculpteur, laquelle naît d’une Nature par essence créatrice.
Rivers and Tides, « rivières et marées », est la métaphore du travail d’Andy Goldsworthy. L’écoulement de l’eau représente pour lui le fluide qui l’unit à la Nature. Une image récurrente de son œuvre est la spirale ou le tortillon. Le fil sinueux, sans début ni fin, est la représentation du lit que creuse le fleuve dans la terre. Il a d’ailleurs construit un mur en pierre sur la forme du lacet. La muraille contourne les arbres en s’inscrivant ainsi dans la terre sans briser le paysage naturel. La courbe est sans conteste le signe d’une vie qui se poursuit quoi qu’il arrive.
Mais Andy Goldsworthy doit aussi compter avec le temps qui en s’écoulant détruit son œuvre. La permanence de la nature s’oppose à l’éphémère de sa création, mais l’une et l’autre s’unissent dans l’œuvre. La destruction fait partie intégrante de l’œuvre d’Andy Goldsworthy car elle est preuve que la matière vit, agit en fonction du rythme de la nature et non de celui de l’homme. La véritable œuvre est le changement. En atteste la sculpture de glace commencée à l’aube et qui fondra quand le soleil viendra l’éclairer. La caméra permet d’arrêter l’instant où la nature s’accorde avec l’œuvre de l’homme.
La mise en scène cinématographique de Thomas Riedelsheimer illustre avec justesse l’œuvre du temps sur l’œuvre de l’homme. Les images peuvent fixer ou au contraire accélérer l’action du temps sur les éléments naturels. Un rocher de pierres assemblées que le sculpteur a façonné juste au bord de la mer est progressivement recouvert par la marée montante. Le film présente en accéléré cette évolution naturelle. Suprême victoire pour le sculpteur, la sculpture a résisté à l’ensevelissement de l’eau. Quelquefois, la nature reprend ses droits, comme le vent sur ces brindilles qu’Andy Goldsworthy a patiemment fixées entre elles sur les branches d’un arbre à la manière d’une géante toile d’araignée. Mais, un souffle d’air et les brindilles ont cassé. La vie ne tient qu’à un fil, semble dire la déception sur le visage du créateur. Le travail de cet homme côtoie la naissance et la mort.
L’œuvre fragile de l’homme pousse la Nature jusqu’à la limite de la cassure. C’est la mise en question de ce qui est éternel et de ce qui ne l’est pas, constate Andy Goldsworthy. On pourrait croire l’homme fou et pourtant, plus la beauté de ces sculptures transperce l’écran, plus le spectateur se sent fou de ne pas saisir la nature comme la conçoit le sculpteur. Il est au plus près de ce qu’est la vie, éternelle, éphémère, changeante et permanente. Une de ses créations est de s’étendre par terre sous la pluie, il se relève et laisse l’ombre de son corps dessinée par la terre sèche, bien vite recouverte à son tour de pluie. La simplicité est l’essence de la beauté de ses créations.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles