VENDREDI 13 NOVEMBRE 2015 à 20 h ▶ Vivant ! de Vincent Boujon
Vivant !
de Vincent Boujon
France – 2014 – 80′
Cinq garçons vont tenter un saut en parachute. Ils ont quelques jours pour se préparer. A terre, ils sont des hommes, séropositifs, que la mort a effleurés. Ils sont unis entre la nuit et le jour, entre ciel et terre, entre éclats de rires et confidences, entre les mots et ce qui ne peut se dire, le courage et la frayeur. L’un après l’autre, ils tenteront de se jeter dans les airs : ils sont vivants, ensemble.
Vivant ! : le titre dit bien ce dont le film de Vincent Boujon nous parle… Mieux, il nous place dans cette situation de connaître, d’éprouver physiquement le sentiment d’être au monde, au plus près du vertige face au vide, à la chute, à la mort.Le cinéaste a l’idée folle et drôle de nous emmener, avec un groupe de cinq hommes, sur un petit terrain d’aviation où le Club des 5 va s’initier, les uns courageusement, les autres fébrilement, au saut en parachute. On suit les cours que l’instructeur intransigeant leur prodigue en bas, les mises en garde vis-à-vis de tout geste fatal en haut, les simulations et mises en condition physique qu’il faut effectuer au sol avant de se retrouver projeté d’un coucou à 4000 mètres d’altitude… Nous gagne peu à peu le mélange de peur et de courage que le saut dans le vide procure aux apprentis parachutistes, en même temps que nous apprenons d’eux ce qu’ils ont éprouvé lorsqu’ils ont appris leur séropositivité : une sensation semblable de se retrouver en chute libre, le souffle coupé, la difficulté à se conformer aux protocoles éprouvants qui les sauveraient… Ces moments de confidences et de récits sont filmés lors des pauses, ou le soir, après les séances d’initiation. La parole naît dans la proximité des avions qui les emmèneront bientôt dans le ciel, comme si la mise en condition pour le grand saut ravivait la mémoire de chacun, leur faisait partager l’expérience commune d’un temps vécu dans la proximité de la mort.
Aux recommandations sur l’altitude à laquelle “on arrête de déconner” pour déclencher son parachute, succèdent les confessions sur les risques, bonheurs et malheurs de l’amour.On pense aux films de guerre hollywoodiens, comme le très beau Objective Burma! de Raoul Walsh, où l’on partageait les peurs et les confidences à voix basse d’un commando de parachutistes américains, aux prises avec un ennemi toujours invisible. Ici aussi on est avec un petit groupe de combattants qui apprennent, à plusieurs, à dominer leurs paniques face à l’inconnu.
Eric et Vincent ont l’aplomb du héros interprété par Errol Flynn, qui sert de modèle, de guide aux autres. Matteo est le fanfaron de l’escouade, qui s’emmêle dans son parachute au moment de l’enfiler… Pascal, qui ne parvient jamais à reconnaître le nord du sud, nous fait rire tant la terreur se lit dans ses yeux ronds et ses gestes maladroits. Romain est le binoclard du groupe, comme l’intellectuel secret du commando, pour lequel on craint le plus — il sera le dernier à sauter.
Quant à Richard, l’instructeur, il rappelle celui de Full Metal Jacket, sans cruauté toutefois : son parler clair et net, presque militaire, vise à protéger ses recrues contre toute erreur ou défaillance, qui pourrait être fatale.La très belle construction du film nous permet de connaître chaque protagoniste avant que les premiers envols aient lieu, moments palpitants où nous nous retrouvons confinés avec Eric et Vincent à bord du minuscule avion à la porte grande ouverte… Et après avoir sauté avec eux, et plané en chute libre, on se retrouve au sol avec les autres, le nez en l’air, quicherchent à voir leurs camarades qui les ont précédés au-dessus des nuages.
Voir ce film dans une salle de cinéma, les toiles colorées des parachutes se déployant sur celle de l’écran, c’est vérifier qu’un documentaire peut nous procurer les mêmes plaisirs que les grandes fictions populaires : le public vibre à l’unisson des émotions des héros, est soulagé quand Matteo et Pascal acceptent de faire leurs sauts accompagnés, éclate de rire quand le premier exulte au moment de sauter, alors que l’autre roule des yeux terrorisés, s’attache aux réactions de Romain qu’on peut presque toucher de la main alors qu’il est en chute libre, exalté… On pense aux belles fictions de Jean Grémillon (Charles Vanel et Madeleine Renaud, passionnés d’aviation dans Le ciel est à vous), aux films américains qui nous content des récits d’initiation, à ceux qui nous décrivent des combats (Gentleman Gym, Plus dure sera la chute). Jacques Deschamps
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles