JEUDI 17 DECEMBRE 2015 à 20 h ▶ Les contrebandiers de Moonfleet, de Fritz Lang
Les contrebandiers de Moonfleet
de Fritz Lang
Etats-Unis – 1955 – 1h27′
Chef-d’œuvre de la période hollywoodienne de Fritz Lang, ce film est un récit initiatique qui a marqué tous ceux qui l’ont vu.
Grande-Bretagne, 1757. John Mohune, orphelin de 10 ans, arrive à Moonfleet avec une lettre de recommandation de sa mère défunte pour un certain Jeremy Fox, gentleman libertin, cynique et sans scrupules, à qui elle demande de prendre soin de son fils et de parfaire son éducation. Mais Jeremy Fox, côtoyant des aristocrates corrompus, se révèle être le chef d’une bande de contrebandiers. Il ne souhaite nullement s’encombrer de la présence de cet enfant d’une naïveté confondante, mais y sera contraint. Ponctué de multiples péripéties, ce récit initiatique va alors s’attacher à narrer les relations entre le hors la loi et le jeune garçon.
« Le coup de génie de Fritz Lang dans Les Contrebandiers de Moonfleet est d’avoir construit son film entre deux points de vues radicalement autonomes : le point de vue de l’enfant et le point de vue d’un adulte. Il n’a pas eu une seconde la tentation (qui est souvent celle du film d’apprentissage, ou du film dit pour enfants) de réduire le monde des adultes à ce que pourrait en comprendre John. Ni la tentation inverse, de produire de John une image d’enfant pour adulte. »
DVDClassick – Erick Maurel
19 ans après Fury, Fritz Lang travaille de nouveau pour la prestigieuse MGM avec un budget conséquent. Mais le studio, estimant que le film ne se différencie pas des produits de seconde zone, décide de ne pas le diffuser hors des Etats-Unis. Aujourd’hui encore, dans le catalogue de la firme, on peut lire le film critiqué en deux lignes « maladroitement adapté et réalisé par un Fritz Lang distrait. » Il faudra attendre sa découverte par l’un des créateurs du cinéma Mac-Mahon sur les Champs Elysées pour que cette merveille sorte en France cinq ans après sa distribution américaine. Il deviendra instantanément un film culte auprès de toute une génération de cinéphiles et, encore aujourd’hui, les comptes-rendus sont unanimement élogieux à son sujet.
Ce classique du film d’aventure se situe aux croisées du film de terreur gothique et du film de cape et d’épée classique. Son caractère unique vient de ce mélange entre une histoire rocambolesque traditionnelle, une noirceur typiquement langienne dans la description des personnages tous plus ou moins pervertis et un climat inquiétant, étrange et funèbre. De ce point de vue, le prologue est inoubliable avec cette étonnante succession de plans plus effrayants les uns que les autres. Le premier démarre sur une vision du jeune garçon se détachant en contre jour alors qu’il marche sur les landes nocturnes et menaçantes. Il s’assoit pour se reposer et entend un bruit étrange ; levant la tête, il voit une statue de pierre aux yeux brillants qui l’effraie, baisse les yeux pour tomber sur l’apparition d’une main décharnée et crochue. S’évanouissant de frayeur, le plan suivant en caméra subjective, montre une contre plongée, vue par le regard du garçon s’éveille, sur les trognes patibulaires d’un groupe de personnes penchées au-dessus de lui. Toutes ces images supportées par les fulgurantes stridences de la partition de Miklos Rosza nous offrent l’un des préambules les plus mémorables de l’histoire du cinéma.
Le scénario remarquablement écrit et d’une belle fluidité peut donc proposer plusieurs niveaux de lecture : les plus jeunes pourront se régaler devant un film d’aventure très bien mené et toujours passionnant ; les adultes pourront aussi se délecter du rocambolesque de ce conte tragique mais, seront aussi très intéressés par le récit initiatique de cette innocence au pays de la corruption, cette innocence qui sera inconsciemment la cause de tant de morts. Le jeune Mohune subira toutes ces épreuves sans que sa belle naïveté en prenne un coup, le final le montrant toujours aussi optimiste. D’ailleurs, Lang n’était pas satisfait par ce happy-end imposé mais peut-on ici vraiment parler de happy end ? En effet, le jeune garçon attendra toujours avec une foi inébranlable que son ami revienne mais le spectateur sait que sa croyance n’est qu’illusion.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles