VENDREDI 11 MARS 2016 à 20 h ▶ Lulu femme nue, de Sólveig Anspach
Lulu femme nue
de Sólveig Anspach
France – 2013 – 1h 40′
A la suite d’un entretien d’embauche qui se passe mal, Lulu décide de ne pas rentrer chez elle et part en laissant son mari et ses trois enfants. Elle n’a rien prémédité, ça se passe très simplement. Elle s’octroie quelques jours de liberté, seule, sur la côte, sans autre projet que d’en profiter pleinement et sans culpabilité. En chemin, elle va croiser des gens qui sont, eux aussi, au bord du monde : un drôle d’oiseau couvé par ses frères, une vieille qui s’ennuie à mourir et une employée harcelée par sa patronne… Trois rencontres décisives qui vont aider Lulu à retrouver une ancienne connaissance qu’elle a perdu de vue : elle-même.
C’est un film de ré-initiation à la vie que nous propose Sólveig Anspach. Adapté de Lulu femme nue, la bande dessinée d’Etienne Davodeau (Ed. Futuropolis, 160 pages, 24 euros), c’est l’histoire simple d’une femme simple qui un beau jour se dit qu’elle va, pour une fois, emprunter le chemin de la liberté. On y retrouve Karin Viard, avec laquelle Sólveig Anspach avait déjà tourné Haut les cœurs ! Elle est Lulu, femme fragile et effacée en voie de reconstruction. Face à elle, Bouli Lanners interprète un Charles tout en tendresse et en rondeur. Quant à Claude Gensac, celle-là même qui donnait la réplique à Louis de Funès dans une bonne dizaine de films, elle est tout simplement formidable d’humanité et d’énergie, faisant parfois penser à Sylvie, l’héroïne de La Vieille Dame indigne, le merveilleux film de René Allio.
Le Monde
On peut distinguer trois pans dans la filmographie de Sólveig Anspach. Les documentaires avec lesquels elle s’est d’abord fait connaître en sortant de la Femis (promo de Noémie Lvovsky, Christine Carrière, Arnaud des Pallières, Sophie Fillières…). Les fictions ensuite : films pluriels, films de bande, joyeux face à l’adversité, road movies immobiles où les personnages circulent beaucoup mais jamais bien loin, comme un réflexe archaïque d’insularité. Enfin, au milieu de tout ça, un film charnière, Haut les cœurs ! (1998), sur le cancer qui a voulu la dévorer.
Elle avait 34 ans. On a proposé à la documentariste de filmer son combat. « Mais je me suis dit : c’est avec ce film-là que je vais faire de la fiction, cela va être beaucoup plus que mon histoire, parce que si celle-ci n’a rien d’exceptionnel, elle concerne malheureusement beaucoup de monde. Et, à cette époque-là, on n’en parlait pas assez. Or, lorsque tu comprends que tu n’es pas seul dans ta douleur, tu es déjà plus fort. Là c’était le cancer, mais c’est pareil pour la dépression, la misère, tous les obstacles de la vie. »
Pour Haut les cœurs !, Karin Viard obtiendra le César de la meilleure actrice en 2000. On la retrouve aujourd’hui dans Lulu femme nue. « Sans être le même sujet, pour moi il y a un écho entre ces deux films, explique la réalisatrice. Lulu n’est pas une guerrière comme Emma dans Haut les cœurs !, c’est une femme plutôt effacée, qui a été cadenassée dans le quotidien, mais comme Emma, elle veut vivre. Elle part de chez elle, même si c’est de manière un peu maladroite, parce que sinon elle meurt. »
UNE SORTE D’URGENCE DU BONHEUR
Les films de Sólveig Anspach sont peuplés de ces personnages féminins, tout à la fois dépositaires d’une souffrance énorme et habités d’une force vitale, d’une rébellion incroyable qui est le moteur de leur salut. « Mon père nous a transmis, à ma sœur, Thorunn, et à moi, le goût de la vie. Et heureusement que j’ai ça. Face au cancer, je ne pense pas être spécialement courageuse… Je n’aime pas quand j’entends : “C’est important, hein, faut se bagarrer.” Comme si les gens qui étaient morts ne s’étaient pas battus. Il y a là une espèce de truc moral, genre “Faut être positif pour survivre” que je ne supporte pas. Parfois, la mort est plus forte, c’est tout. »
Le 8 août 2015, c’est la mort qui a été la plus forte et a emporté Sólveig Anspach à l’âge de 54 ans.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles