VENDREDI 16 NOVEMBRE 2018 à 20 h ▶ Petits arrangements avec la vie
Petits arrangements avec la vie
de Christophe Otzenberger et Stéphane Mercurio
France – 2017 – 1h 17′
La projection sera suivie d’un débat avec le monteur du film, Bernard Sasia
Christophe Otzenberger a passé deux ans dans les couloirs des hôpitaux, il a rencontré des gens qui, comme lui, affrontaient une maladie. Les rencontres ont fait naître l’envie de faire un film sur ces personnes embarquées dans une bataille éreintante, une lutte pour la vie. Un film doux et drôle, où l’on partage des récits sur « la vie d’avant, les espoirs – parfois déraisonnés –, les regrets, les fantasmes, les joies passées, les amours folles ou déçues, ce qui fait de nous des hommes… »
Télérama – François Ekchajzer
Malade, le documentariste Christophe Otzenberger est allé à la rencontre de patients, tout en étant lui-même filmé. Une ode à la vie, légère et grave.
Quand la mauvaise toux qui le secouait depuis quelques semaines s’est révélée causée par un cancer du poumon, le documentariste Christophe Otzenberger n’a pas tout de suite envisagé d’en faire un film, mais une bande dessinée. Allez savoir pourquoi… Peut-être pour tenir à distance une réalité qui l’angoissait, mais dont il fallait bien faire quelque chose. Pour se garder aussi d’un excès de pathos tout en favorisant l’humour, présent dans ses documentaires jusque dans Voyage au cœur de l’alcool(isme) (2011), où se posait déjà la question d’une maladie qu’il connaissait intimement. Mais on ne se refait pas. Le cinéma était au centre de sa vie et nourrissait le regard généreux et gourmand qu’il posait sur les êtres de toutes conditions.
Après quelques tâtonnements, c’est bien dans un projet de film qu’il s’est finalement embarqué, en parallèle d’une traversée hospitalière qui l’a fait naviguer entre Saint-Louis et « Tatave » (surnom qu’il donnait à Gustave-Roussy), puis échouer au cimetière du Père-Lachaise où ses amis l’ont salué en juin 2017 et où commence Petits Arrangements avec la vie. Une ode à la vie et au cinéma plus qu’un documentaire sur la mort, fruit de lumineux échanges avec des malades de tous âges, d’une sérénité qu’il semble leur envier.
On ne s’engage pas dans ce que l’on sait être sa dernière œuvre sans de vives réticences — à commencer par celle de la voir se réaliser. « Son projet était protéiforme, partait dans tous les sens comme un bouquet final. Comportait notamment des scènes de fiction, dont il est vite apparu qu’il n’aurait pas le temps de les tourner. Peu importait sans doute : pour Christophe, finir le film, ç’aurait été mourir », explique son producteur Alexandre Hallier, qui a bravement accompagné jusqu’au bout les Petits Arrangements d’« Otzen ». Même engagement de la part de la documentariste Stéphane Mercurio, initiée à la réalisation par celui dont elle partagea un temps la vie, et demeura l’amie. Elle, à qui il proposa de coréaliser le film parce qu’il l’estimait « seule capable de légèreté et de gravité dans le même moment ».
Grâce
« Quand il a commencé à me parler de son projet, je me suis mise dans la position de celle qui renvoie la balle. On a tourné chez moi un entretien, au cours duquel il a eu ces mots sur ses obsèques que l’on entend au tout début du film. Après quoi, nous nous sommes regardés : la place que je venais d’occuper dans l’échange était celle que je devais adopter sur le tournage au centre de Perharidy, à Roscoff [où ils passeront deux fois dix jours, ndlr]. Lui filmerait les patients, je le filmerais lui, en ayant avec lui un dialogue autour de la maladie, de la mort et de son travail de cinéaste, de la façon dont il obtient de si belles choses par une qualité d’écoute qui n’appartient qu’à lui. »
Film gigogne, Petits Arrangements avec la vie joue sur différents registres et différents niveaux d’échanges, avec une grâce favorisée par le montage de Bernard Sasia, déjà présent sur La Conquête de Clichy et qui connaissait bien Otzen. « Plusieurs fois, se souvient Stéphane Mercurio, Christophe m’a demandé : « Tu as ce qu’il te faut ? Tu es sûre ? » Preuve qu’il était conscient de la façon dont se déroulerait la suite… Avec Bernard, nous nous sommes attelés au montage peu après sa mort. Et ç’a été comme s’il nous soufflait ses indications. » A voir le résultat, on y reconnaît sa présence jusque dans le souffle, le battement de ce film débordant de vie. Et l’on se dit qu’au paradis des cinéastes, Christophe Otzenberger sourit sans doute du travail accompli par Stéphane, Alexandre et Bernard, amis à la vie, à la mort d’un documentariste qui aura servi son art jusqu’au bout, avec infiniment de cœur.
Trois regards sur le film à lire sur Le Blog documentaire
Trois regards sur les « Petits arrangements avec la vie » de Christophe Otzenberger
L’immensité de l’océan chuchote quelque chose sur nos petites existences. Christophe Otzenberger a choisi le rivage de Roscoff, pour son dernier film, Petits arrangements avec la vie. Depuis la plage, sa caméra panote fébrilement sur le paysage de côtes, dont la vue apaise les patients de l’hôpital de jour planté là, sur la presqu’île de Perharidy. Il interroge le ressac des vagues : comment vivre avec une maladie incurable ? À 55 ans, il a appris qu’il ne guérirait pas de son cancer des poumons. Derrière l’œilleton, il s’agace, peste, tousse. Pour un réalisateur attaché au cinéma direct, les plans contemplatifs sont décidément vides de sens.
Christophe Otzenberger est avide d’humains. Il a soif des paroles de ces autres condamnés assis sur leurs lits d’hôpital : « Comment tu vis avec, toi ? » Toi, la jeune amoureuse. Toi, le vieux monsieur qui n’en peut plus de souffrir. Toi, qui voudrais des enfants, comme s’il n’était jamais trop tard. Toi, le petit bout de femme qui semble déjà avoir apprivoisé la mort.
Leurs histoires, leurs pensées, se répondent par-delà les murs des chambres baignées de lumière grise. Les résumer ici serait les en déposséder, trop dire du film et rien en même temps. Seul le dispositif peut se raconter : Christophe Otzenberger, assis à côté de sa caméra plutôt que derrière, attentif, le corps tendu vers son interlocuteur, questionne avec douceur. Chaque fois qu’il en a l’occasion, il rend un peu de ce qu’il prend au autres, en partageant à son tour ses doutes et ses joies. Son amie et réalisatrice, Stéphane Mercurio, recueille ces dialogues précieux.
Christophe Otzenberger est mort quelques mois après le tournage, en juin 2017. Stéphane Mercurio a terminé son film, comme promis. Un petit arrangement avec la vie.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles