VENDREDI 22 NOVEMBRE 2019 à 20 h : Terres Barceló, de Christian Tran
Terres Barcelo
de Christian Tran
France – 2018 – 1h 15′
Une grande exposition de Miquel Barceló, peintre et sculpteur espagnol, à la BnF et au musée Picasso à Paris est l’occasion de plonger dans le travail de cet artiste contemporain majeur. Ces œuvres imposantes, qui travaillent la terre sous toutes ses formes sont créées sur place, hors atelier et auront une vie éphémère. C’est alors le processus de création qui se révèle peu à peu au travers de la fabrication de ces œuvres généreuses, ainsi que le monde intérieur de l’artiste qui vient à notre rencontre.
En s’attachant à filmer le processus de création de l’artiste contemporain Miquel Barceló au plus prés, dans sa longueur, le réalisateur cherche à nous faire comprendre un geste venu de la nuit des temps, de la nuit des cavernes. Un geste qui animait déjà les artistes de la grotte de Lascaux, et plus loin encore ceux de la grotte Chauvet. Ainsi, il ne s’agit pas d’ajouter de la matière pour faire une image, mais de poser une empreinte comme de gratter, griffer, creuser la matière pour que la lumière accroche et que l’image se révèle. Alors s’opèrent des ponts entre les temps et les lieux et les hommes dans ce geste ancestral sans cesse actualisé. Et ce que cherche à capter la caméra de Christian Tran devient alors aussi limpide que saisissant : c’est une épiphanie.
Sylvain Bich, projectionniste
France Inter – émission Capture d’écrans
L’enchantement de l’art éphémère
La beauté est parfois d’une telle simplicité. « Terres Barceló » est un film consacré à Miquel Barcelo, grand artiste contemporain. En 2016, ce peintre et sculpteur catalan a réalisé une fresque monumentale, de 200 mètres de long, sur les fenêtres de la bibliothèque François Mitterrand, à Paris. Mais Barceló n’a pas peint sur les fenêtres, non : il a gratté l’argile. Il a posé ses doigts, ses mains, ses bras, sur de l’argile qu’il avait étalé en très fine couche sur la vitre, avant de laisser sécher.
Dans ce très beau documentaire de Christian Tran, on assiste au processus de création. Voir cet artiste au travail est un enchantement. Il y a son rapport charnel à la matière. Il y a les jeux de lumières, quand le soleil passe à travers la vitre. Le geste est parfaitement maîtrisé, mais c’est une improvisation constante. Il dessine des squelettes qui dansent, des crevettes, un poisson géant, un cavalier, une femme nue et bien d’autres choses.
En théorie, une œuvre d’art se conserve. D’ailleurs, ceux dont le métier est de réunir des œuvres dans un musée s’appellent des conservateurs. Cette fresque-là a disparu. « C’est comme dessiner sur le sable », pour l’artiste. Barceló n’est évidemment pas le premier à préférer les œuvres éphémères, mais il est captivant de l’écouter parler de son rapport au temps. S’il travaille vite, explique-t-il, c’est pour ne pas être rattrapé par ses idées. Le dessin ne doit pas être la réalisation de la pensée, mais il doit arriver avant elle.
De l’éphémère à la nuit des temps
Cette fascination pour l’éphémère, pour l’inspiration du moment, pour l’improvisation, raconte évidemment quelque chose de notre durée à tous. De notre mortalité. Mais Miquel Barceló est aussi habité par des œuvres d’art qui viennent de la nuit des temps, de la nuit des cavernes. Il fait partie de ceux, très peu nombreux, qui ont pu descendre dans la grotte Chauvet, en Ardèche. On le voit ému aux larmes devant les dessins de chevaux, de bisons, de lions. Quoi de plus éphémère qu’un cheval dessiné avec un morceau d’os sur le mur d’une grotte? Et pourtant ces dessins ont traversé le temps. Le travail de Barceló prend alors une autre tournure. Sa fresque sur une vitre, c’est de l’art pariétal. Son argile contient la mémoire du monde.
L’artiste et le football
Un détail amusant. Miquel Barceló travaille avec des écouteurs rouges en permanence dans les oreilles. On se demande, au début, quel genre de musique il écoute. Et puis il révèle, dans un éclat de rire, qu’il écoute un match de foot à la radio. Ce jour-là, le Real Madrid était mené au score, il était ravi : en bon catalan, il déteste le Real. Voilà un peintre attiré par l’éphémère, peu soucieux de laisser une trace dans le futur, qui est passionné par des œuvres vieilles de 36 000 ans, et qui a, en tant que supporter de foot, les deux pieds dans son époque. Barceló est plus qu’un artiste, c’est une faille temporelle.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles