MERCREDI 12 FEVRIER 2020 à 20 h : Kyoto la fluidité, de Catherine Cadou
Des montagnes, une rivière, une ville
Kyoto la fluidité
de Catherine Cadou
France | 2019 | 60’
Une capitale de mille ans
Une rivière-fleuve aux rives recouvertes d’herbe et de terre
Des montagnes-forêts intangibles
Kyoto, ville musée ? Certes, avec ses myriades de temples et de jardins. Ville moderne ? Absolument, avec ses grandes artères et ses transports en commun d’une efficacité imparable. Mais surtout ville vivante, ville vibrante où la nature est très présente et imprime à tous les habitants la marque envoûtante de la fluidité.
Note d’intention
OSHIMA Nagisa m’a dit un jour : « quand tu ne comprends pas quelque chose, fais-en un film. Ton film te donnera la réponse ».
KUROSAWA Akira me disait que la chaleur moite de l’univers de Garcia Marquez était intransmissible en film. Il me parlait de la difficulté de mettre en images des sensations diffuses.
IMAMURA Shohei me parlait de la vie grouillante des ruelles de Shinjuku dans l’après-guerre où les trafics en tous genres nourrissaient les Japonais qui avaient perdu leurs repères.
Vivre à Kyoto quatre mois m’a incitée à faire un film me permettant de rendre à ces trois maîtres un hommage invisible mais mûrement ressenti.
Kyoto suscite une impression forte sur les visiteurs qui ont choisi d’y vivre comme tant de ses habitants, à vélo, à pied ou en bus, dans une maison japonaise traditionnelle sans climatisation, au ras du jardin dans une fusion quasi-totale avec la nature. Dans une maison de ce type sans réelle cloison séparant le dedans du dehors, on part loin des contraintes de la vie en ville, on se sent devenir une partie de nature. On se glisse dans la fluidité d’une foule qui passe d’un lieu à l’autre avec une urbanité aimable faite d’instants de grâce où l’espace et le temps retrouvent une connivence perdue.
Même la mobilité est différente tant dans les rues que sur les trottoirs, dans la gare gigantesque et très moderne ou dans les temples et jardins de pierres ou de mousses. Tout glisse, tout roule sans heurt, les humains comme les véhicules se frôlent sans encombres, sans préséance, dans le respect de l’autre, de règles simples comme le cours de l’eau, comme le cours du temps.
A Kyoto, on ne regarde pas. On exerce son regard à voir sans regarder. Et l’on découvre une ville imprégnée de la fluidité de cette rivière-fleuve, la Kamogawa, qui n’a jamais été bordée de quais de pierres, dont les berges n’ont même pas été recouvertes de goudron pour y faire des pistes cyclables, où l’on côtoie hérons et canards quand on la traverse à gué sur de grosses tortues de granit, où les enfants qui y jouent ne sont pas honnis par les pêcheurs en bottes hautes pratiquant leur savoir faire à titre privé ou professionnel. Ce rapport à la rivière est resté inchangé depuis plus de mille deux cents ans alors que Kyoto a été une capitale pendant mille ans.
Il en est de même pour le moutonnement de collines boisées qui, depuis ses origines, encercle la ville sur trois côtés, la câlinant comme un berceau, la désignant comme un refuge. En plus d’être une source d’inspiration formidable car ces montagnes de l’est, du nord et de l’ouest donnent un cadre clair où la liberté de chacun peut s’exprimer, la présence de ces forêts montagneuses est protectrice et rassurante car elle annonce et accompagne le rythme des saisons. De quelque endroit où l’on soit dans cette ville à la topographie heureuse, on aperçoit une montagne facilement reconnaissable, ce qui permet de toujours retrouver son chemin dans le lacis des petites rues orthogonales. Et ces repères éloignés deviennent des signes proches facilitant la circulation fluide des codes de cette capitale culturelle crépitante de création.
Traduire en images et en sons la fluidité de cette ville, miroir d’une nature qui l’entoure et la baigne, fut mon défi. Alors que, dans nos villes, la nature est appelée à la rescousse au service de l’humain, à Kyoto les humains et la nature sont les deux faces indissociables d’une ville très attachante. Coexister avec une nature intacte n’est pas, au Japon, un choix mais une nécessité induite par l’imprévisibilité et la violence des aléas climatiques où typhons, tsunami et tremblements de terre rappellent à l’humain sa dépendance irrémédiable vis à vis de la nature, son appartenance à un ordre qui le transcende. Imprudent, impudent de tenter de s’en préserver par des barrières aléatoires aussi dérisoires que chimériques. Il vaut mieux vivre avec, vivre dedans et s’en inspirer pour maintenir une ville en perpétuel devenir durable.
Catherine CADOU
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles