JEUDI 30 SEPTEMBRE 2010 à 20H ☞ « Lettre à la prison », de Marc Scialom
« Lettre à la prison »,
de Marc Scialom
France – 1969, sorti en salles en 2009 – 70 minutes
Réalisé en 1969-1970, abandonné, oublié, puis retrouvé 40 ans plus tard, ce film est un témoin inégalé de l’histoire de l’immigration en France : un film de fiction ayant valeur de documentaire, réalisé par un émigré (exilé) entre Tunisie et France.
En 1970, un jeune Tunisien débarque pour la première fois de sa vie en France, où il est chargé par sa famille de porter secours à son frère aîné, accusé à tort d’un meurtre et emprisonné à Paris. Il fait d’abord halte à Marseille. Là, il rencontre des Tunisiens étrangement différents de ceux qu’il croisait en Tunisie, des Français qui lui paraissent énigmatiques et une ambiance générale assez inquiétante à ses yeux pour le faire douter peu à peu de ce dont il était sûr, c’est-à-dire de l’innocence de son frère, de sa propre innocence, de sa propre intégrité mentale.
Le film Lettre à la prison a été réalisé en 1969-1970, entre Tunis et Marseille. A l’époque, sans aucun soutien financier, le réalisateur franco-tunisien, Marc Scialom, a du s’arrêter avant le tirage d’une copie.
Le film a été retrouvé par Chloé Scialom, fille de Marc Scialom et réalisatrice elle-même. Il a été restauré à Immagine ritrovata, le laboratoire de restauration de la Cineteca de Bologne. »Film incandescent, film rescapé, Lettre à la prison est le grimoire halluciné d’une expérience intime de l’immigration. Une œuvre hors norme, dont la modernité trouve sa filiation du côté de Buñuel, Jean Vigo, Pasolini, un cinéma de poète, d’images fulgurantes ; un cinéma de montage, de greffes, d’incidentes, de collision et de stases, où l’univers onirique et la vérité documentaire (du même registre parfois que celle du Jean Rouch de La Pyramide Humaine) se conjuguent pour mettre en scène l’expulsion de soi-même qu’opère la condition d’immigré. Dans la frontalité d’un gros plan saisissant, une petite tunisienne au visage maladroitement maquillé, concentre crûment dans son regard qui nous fixe l’assignation qu’elle a déjà appris des regards occidentaux.
La lettre que Tahar adresse (en un off brut) à son frère emprisonné exprime ses vacillements au contact brutal du sol français, où les suspicions nourrissent fantômes et hantises. Articulant «la réalité objective et la subjectivité la plus profonde», Marc Scialom construit un récit d’une grande charge émotionnelle dont la force narrative tient au dévoilement progressif d’une culpabilité programmée. »
Pour Cati Couteau, membre de l’Acid, « Lettre à la prison n’est pas un film militant, mais c’est un film politique, visionnaire, dont le sens s’est intensifié avec les années. La liberté de son écriture, la poésie de son montage le distinguent radicalement des films engagés des années 70 dont la plupart ne peuvent plus s’apprécier autrement que replacés dans le contexte de leur époque. A l’heure où « l’identité nationale » envahit le débat public, ce film réalisé par un immigré tunisien de culture juive sur un immigré tunisien de culture musulmane pose des questions essentielles, avec l’intellligence et le regard d’un grand artiste. »
Isabelle Régnier – Le Monde
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles