JEUDI 25 MARS 2010 à 20H ☞ « L’Argent du charbon », de Wang Bing
« L’Argent du charbon »,
de Wang Bing
Film documentaire – Chine – 2009 – 52 minutes
Sur la route du charbon, qui va des mines du Shanxi au grand port de Tianjin, en Chine du Nord, des chauffeurs au volant de camions de cent tonnes chargés jusqu’à la gueule font la noria, de nuit et de jour. Au bord de la route : prostituées, flics, rançonneurs à la petite semaine, garagistes, mécaniciens. Les chauffeurs roulent à travers montagnes et plaines et échappent de peu aux accidents. Ils s’enivrent la nuit en vitesse avec quelques filles, n’ont pas le temps de dormir et se retrouvent au port pour vendre leur chargement contre une poignée de yuan. Ils repartent aussitôt vers la mine, réconfortés par les conversations au téléphone portable avec leurs épouses, qui vivent dans des masures disséminées au bord de la route.
Réalisation, image et son : Wang Bing -Montage : Catherine Rascon – Producteurs : Les Films d’Ici – Serge Lalou / Musée du quai Branly – Hélène Cerutti / Arte France
« À l’ouest des rails (2004), dans son format de film fleuve, par la multiplication des personnes et des lieux montrés, constituait une mosaïque de situations, tissait patiemment un réseau qui finissait par reconstruire pour le spectateur toute la complexité d’un monde, de la ville industrielle de Shenyang, de ses travailleurs et de ses habitants. Le projet est ici circonscrit à une question unique : comment, au terme de cette circulation, de main en main, d’un matériau qui impose visuellement toute sa matérialité, sa noirceur, sa poussière, aboutit-on finalement à cet élément purement conventionnel qu’est l’argent ? La pureté du matériau est âprement discutée,l’intimidation se mêle à la négociation, les intermédiaires s’insèrent dans le débat et participent de la dispute. Mais, plus que les qualités intrinsèques du produit, ce sont les heures de palabres qui font fluctuer de façon inattendue et arbitraire le cours du matériau. Par l’exemple du commerce du charbon, Wang Bing filme dans sa totalité une négociation, c’est-à-dire les rapports de force humains qui entrent en jeu dans toute forme de commerce. On sent que la détermination de l’acheteur, le découragement du vendeur, les différents témoins qui font pencher d’un côté ou de l’autre la balance, sont autant d’éléments à prendre en compte dans cette formule chimique improbable qui permet de transformer le charbon en argent. Si l’horizon du film est bien d’atteindre cette transformation finale d’un bien en monnaie, le chemin compte peut-être davantage : la sueur des ouvriers qui cassent la pierre, les longs trajets sur les routes semées de policiers, les longues discussions où tous les revirements sont possibles. Au-delà de l’exemple singulier choisi par Wang Bing, c’est tout le système du commerce entre les hommes qui semble procéder d’une profonde désillusion. L’échange conclu au terme de ce très long trajet est, en tous points, absolument dérisoire. »
Raphaëlle Pireyre & Arnaud Hée
« À l’autre bout du monde, Wang Bing nous amène, par les moyens du cinéma direct, à la renaissance brutale du capitalisme en Chine. L’auteur de A l’ouest des rails (2003), chef-d’oeuvre du documentaire contemporain, s’intéresse ici au convoyage du charbon depuis les mines de Mongolie intérieure. Traversant un paysage quasiment lunaire, les chauffeurs routiers, forçats noircis de sueur sortis d’un monde qu’on croyait révolu, tentent tout au long de la route de vendre leur marchandise au meilleur prix à des revendeurs qui ne s’en laissent pas compter. Filmées au plus près, ces âpres négociations délivrent un message plus général sur les rapports marchands, mélange de violence réelle, de jeu symbolique et d’absurdité beckettienne. »
Jacques Mandelbaum © 2009 SA Le Monde. Tous droits réservés
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles