VENDREDI 28 SEPTEMBRE 2012 à 19 H 30
Mafrouza Oh la nuit,
de Emmanuelle Demoris
France – 2007 – 2h18′
Mafrouza est un cycle de cinq films d’Emmanuelle Demoris tourné à Mafrouza, quartier informel d’Alexandrie construit par ses habitants sur le site et les vestiges d’une nécropole gréco-romaine. Mafrouza raconte les histoires de quelques personnes du quartier dont les destins changent au fil de quelques années. Un couple à la recherche du bonheur, un épicier-cheikh humaniste, un voyouchanteur en quête de chemins libres, un solitaire au logement inondé, une paysanne et son four à pain, une famille de chiffonniers, une jeune lutteuse. Autant de personnages qui seront des romans, et que le film découvre en avançant dans le labyrinthe des ruelles. Tous semblent portés par une incroyable force de vivre, quelque chose comme une folle aptitude au bonheur qui défie les conditions de la vie matérielle, dure à Mafrouza. Tous ont l’humanité tenace et manifestent une grande liberté de pensée et de parole, qui est aussi invention permanente. Car, de même qu’ils bricolent les objets pour les adapter aux nécessités de la survie, les gens de Mafrouza transforment leur vie de chaque jour par le jeu et l’imaginaire. Ainsi une scène conjugale devient comédie, la construction d’un four tourne à l’épopée, la bataille politique se fait fable. Mafrouza tisse la chronique polyphonique de cet univers en déployant ses multiples facettes au fil des cinq volets du cycle, chacun autonome. La durée du cycle et de chaque film donne à cette plongée son émotion et sa complexité. Elle donne à rentrer véritablement dans ce monde en partageant les événements avec ses personnages. Elle donne le temps d’un regard en mouvement, un regard amoureux mais sans idéalisation, qui saisit la force vive du quartier à travers ses complexités et contradictions. Et l’on suit les mouvements de ce regard car le film nous donne à partager l’expérience et l’implication de la cinéaste en racontant aussi la rencontre entre les gens de Mafrouza et celle qui vient les filmer. Depuis les premières rencontres en 1999 jusqu’à la fin du tournage en 2004, on découvre l’évolution de ce rapport et de ses interactions, qui posent des questions de cinéma et interrogent le regard que nous portons sur l’autre. Car si Mafrouza donne l’occasion de battre en brèche les idées reçues sur les pauvres, l’Orient ou l’islam, il questionne aussi en miroir notre façon de vivre et de regarder (en Europe ou ailleurs). Et c’est par cette réciprocité qu’il ouvre un espace où peuvent se rencontrer le spectateur et les gens de Mafrouza. (L’ordre des cinq parties est chronologique, mais le cycle peut se voir aussi bien dans l’ordre que dans le désordre et chacun des films peut également se voir isolément.)
Mafrouza Oh la nuit (Mafrouza 1)
La première visite à Mafrouza suit un archéologue qui topographie les tombes de la nécropole romaine sur laquelle les habitations se sont construites. Mais une fête de mariage vient nous plonger soudain dans le présent du quartier, sa joie tendue et sa vitalité. La découverte se poursuit par des rencontres avec plusieurs personnes dont on découvre les combats quotidiens. Abu Hosny écope sa maison inondée. Om Bassiouni cuit son pain sous la pluie de l’hiver. Les Chenabou demandent protection à Saint-Georges. Et Adel et Ghada racontent leur couple avec une étonnante liberté de parole sur l’amour. Cette première plongée dans la vie du quartier est aussi le temps de l’étonnement, qui laisse place à l’émotion des premiers échanges.
Extrait de la note d’intention de la réalisatrice
J’avais découvert Mafrouza et sa nécropole à l’occasion d’un voyage d’enquête pour un film sur le rapport des vivants et des morts. Filmant les vestiges archéologiques, j’avais rencontré plusieurs personnes du quartier, parlé avec eux de l’au-delà et de l’ici-bas. Cette rencontre a été une expérience marquante. J’ai rarement vu des personnes dont je dirais qu’elles résistent pareillement à la peur et à la tristesse. Et cette chaleur humaine tenait à leur liberté de pensée et d’expression, à leur capacité d’exprimer les sentiments, et aussi à leur constante attention à l’autre. C’est pour cela que je décidais d’y consacrer un film et pour cela que j’y suis retournée, pour y filmer pendant deux ans (non plus les morts mais les vivants de Mafrouza). C’est pour cela que je décidais d’y consacrer un film et pour cela que j’y suis retournée, pour y filmer pendant deux ans (non plus les morts mais les vivants de Mafrouza). Je filmais pour comprendre et montrer les clés de cette surprenante vitalité. J’ai très vite rencontré le petit noyau de personnes qui sont devenus les personnages du film et nous avons partagé les questions qui animaient ma recherche. Je me demandais comment tenait l’équilibre fragile et un peu miraculeux du quartier. Mes questions concernaient les fondements des rapports humains, sociaux ou individuels, amoureux, familiaux ou de voisinage. Je formulais ces questions à propos du quartier, mais elles trouvaient aussi des échos dans mon expérience de la vie à Paris, que j’exposais. L’idée n’était pas de faire un film « sur » le quartier mais de traiter ces interrogations « avec » ce petit groupe de personnes, en partant de ce que nous avons en commun et non de nos différences. La question était de trouver comment filmer dans ce quartier en échappant aux généralisations, identitaires ou civilisationnelles.
Télécharger le dossier de presse : note d’intention de la réalisatrice, description des « gens de Mafrouza », principaux protagonistes du documentaire
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles