JEUDI 22 MAI 2014 à 20h ▶ Ivre de femmes et de peinture, de Im Kwon-taek
Ivre de femmes et de peinture
de Im Kwon-taek
Corée du Sud – 2002 – 115′
Jang Seung-Ub, né en 1943, est un pauvre orphelin, réduit à la mendicité dans la rue. C’est alors que son chemin croise celui de Kim Byung-Moon, un bourgeois fortuné et esthète qui décide de le prendre en charge. Celui-ci constate très vite les dons du jeune homme pour la peinture et décide de l’encourager. Quelques années plus tard, il lui offre l’opportunité de faire son apprentissage artistique chez un maître respecté. Une fois formé, Jang est introduit dans le milieu artistique professionnel, qu’il ne parvient jamais vraiment à intégrer. Alcoolique et amateur de femmes, il préfère en effet les chemins de traverse à la respectabilité de ses pairs…
« En images somptueuses, aussi simples et belles que les toiles de Jang Seung-up, dit Ohwon, le cinéaste sud-coréen Im Kwon-taek a filmé la vie d’un peintre du XIXe siècle dont on ne sait presque rien, dont bien des toiles ont disparu, mais qui est devenu une légende dans la Corée du Sud d’aujourd’hui. C’est peu dire qu’il a filmé cette vie. Il l’a rêvée, appelant l’imaginaire pour combler tous les pointillés laissés par la réalité. Le résultat (Prix de la mise en scène à Cannes) est un hymne magique, tragique à l’artiste, éternel étranger au monde dans lequel il vit ; et au bonheur que son art suscite chez les autres.
Im Kwon-taek filme les errances de son héros dans des paysages somptueux qui ressemblent à ce qu’il peint, à moins que ce qu’il peint ne colle tant à sa vie que toute frontière s’abolit. En filigrane, discrètement, comme pour gêner le moins possible la progression de son héros vers la vérité, il fait défiler l’histoire de la Corée, une suite d’occupations et de révoltes vouées à l’échec. La liberté du pays ne pouvait s’épanouir, en fait, que dans les toiles de ce débauché d’Ohwon. Personne – hormis Maurice Pialat dans son Van Gogh, et dans un tout autre style – n’avait célébré avec cette intensité, cette incandescence, le rôle de l’artiste ; ni défini sa mission : résistant dans le présent, combattant pour l’avenir.
On sort émerveillé par la force du propos, par le lyrisme de la forme, par l’habileté d’Im Kwon-taek à transformer la vie en art, la trivialité en grâce. Enthousiasmé par ce déluge de couleurs, de cris, de larmes, de chair et d’alcool, qui aboutit, selon la célèbre expression de Cocteau, à une orgie de pureté.«
Pierre Murat – Télérama
« Comme il déjoue tout risque de reconstitution historique, Im Kwon-taek échappe également au schéma illustratif et plat d’une mise en mouvement des tableaux. Il cherche avant tout à capter le désir, son ancrage charnel et pictural, aussi concret que fugace, et à tracer selon une forme chaotique et exaltée le mouvement d’un esprit libre. Admis à l’Office royal de peinture, Ohwon, devenu le plus grand peintre de son pays, ne peut répondre aux commandes qui lui sont faites. Femmes et alcool, aussi indispensables à son art que l’encre, lui sont refusés, alors il s’échappe : « Ce n’est pas nous qui décidons, seul le feu commande. »(…) Fleuve indomptable au courant houleux, Ivre de femmes et de peinture est un film fortement inspiré, incroyablement vivant, où la grâce et la trivialité se coulent dans un même flux de sensualité. Si certains réalisateurs épuisent leur énergie créatrice au fil de leur travail, Im Kwon-taek n’est certainement pas de ceux-là : avec presque cent films à son actif, le réalisateur est habité par une flamme aussi ardente que son personnage. Ce qu’on appelle le feu sacré. » Extrait de la critique dans Les Inrocks
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles