MERCREDI 4 DECEMBRE 2019 à 19 h 45 : Le Sud, de Fernando Solanas
Le Sud
de Fernando Solanas
Argentine/France – 1988 – 1h 56′
Avec Miguel Angel Sola, Philippe Léotard, Ulises Dumont, Susú Pecoraro, Lito Cruz
1983. La dictature argentine a pris fin. Au cours d’une nuit, Floreal sort de prison, après avoir été incarcéré pendant cinq années. Il veut rejoindre Rosi, son épouse. Mais les retrouvailles sont sans cesse retardées. Car le couple, comme le pays, a changé. Tandis que Floreal erre jusqu’à l’aube, des souvenirs surgissent, ainsi que des mirages de vivants et d’amis disparus…
Cinéaste engagé, auteur de films manifestes comme L’heure des brasiers (1966-68), Fernando Solanas s’était exilé en France après le coup d’État militaire de 1976. Le retour de la démocratie lui permit de revenir au pays pour réaliser Tangos, l’exil de Gardel (1985), une coproduction franco-argentine. Le Sud, présenté au Festival de Cannes 1988 où il obtint le Prix de la mise en scène, en est un peu la continuité.
[…] La force de Solanas est de cerner la réalité historique tout en proposant une approche onirique, signe du trouble de la mémoire, du traumatisme d’une nation, mais aussi des doutes face une résurrection qui pourrait s’avérer précaire… La cohésion de ce puzzle sentimental et politique est assurée par la musique d’Astor Piazzola, omniprésente et enivrante. Le tango n’est pas ici un simple élément de couleur locale, il est le poumon mélodique d’un film convulsif, au ton fiévreux et tout en ruptures, qui semble suggérer que « la vie est un tango » (Copi).
Dès les premières secondes, une double dimension, théâtrale et onirique, est affirmée. La nuit complète (le scénario se déroule en une seule, traversée de reflux de mémoire et de rêves), les rues éclairées par des lumières irréelles sculptant pavés et façades comme sur une scène, la rareté des passants, les champs-contrechamps accusant des distances non mesurables, les plans longs en mouvements fluides qui enveloppent comme le brouillard, lui aussi omniprésent… Tout concourt à mêler ces deux dimensions et à faire naître cette impression de film mental sur la difficulté du retour, sur la douleur de l’absence et sur la permanence du désir et de l’amour. Avec Le Sud, prix de la mise en scène au festival de Cannes 1988, l’œuvre de Fernando Solanas trouvait son apothéose formelle, grâce notamment, encore et toujours, au sens musical de l’auteur découpant son récit en quatre chapitres ponctués d’airs connus repris par un chanteur de tango. Plusieurs séquences décollent ainsi au son du bandonéon.
Déjà sensible dans Tangos, l’exil de Gardel, l’influence de Fellini devient évidente ici, une séquence de bal avec filles faciles bien en chair et paquebot en arrière-plan renvoyant inévitablement au petit monde de l’Italien. La distanciation qu’impose la mise en scène et l’impossibilité de distinguer la frontière entre le fantasme et la réalité sont d’autres caractéristiques partagées. Un rapprochement peut-être fait avec une autre figure des années quatre-vingt, celle de Théo Angelopoulos. Il suffit de penser au brouillard et à la mémoire, aux strates de temps qui fusionnent, à la pesanteur de l’Histoire, à l’appropriation de l’espace par d’amples mouvements. Solanas se distinguerait alors par l’émotion directe que procure le tango et par la grande sensualité émanant de ses images et de son regard sur les femmes.
Le Sud, c’est en effet la survie à la dictature passée au prisme de l’amour charnel. « El Sur », c’est aussi un projet, une utopie. C’est ce vers quoi il faut tendre pour les personnages, aspirant à ce retour, après les confiscations et les destructions (illustrées par une séquence de visite au ministère, séquence surréaliste montrant les bureaucrates piétiner la mémoire des dossiers). C’est le désir et la nécessité d’un nouveau départ malgré les blessures passées, une espérance revivifiée.
Les projections en entrée libre – dans la limite des places disponibles – se déroulent à Paris, dans le 2e arrondissement, près de la rue Montorgueil :
Salle Jean Dame, Centre sportif Jean Dame17 rue Léopold BellanMetro : Sentier (L3) ou Les Halles